Deskaheh Levi General et la Confédération Haudenosaunee d’hier à aujourd’hui.
Retour sur le voyage à Genève d’une délégation de la Confédération Haudenosaunee à l’occasion du centenaire de la venue de Deskaheh Levi General à Genève en 1923.
Par Leslie Cloud*
Cette année, la 16ème session du Mécanisme d’Experts sur les droits des Peuples Autochtones de l’ONU s’est tenue dans un contexte exceptionnel de célébration du centenaire de la venue de Deskaheh Levi General (Nation Cayuga) à Genève afin de soutenir sa demande d’adhésion à la Société des Nations (SDN) en 1923.
La Chaire Normandie pour la Paix fut représentée à Genève pour suivre les évènements commémoratifs organisés conjointement par la Confédération Haudenosaunee, la mairie de Genève, le Centre de Documentation, de recherche et d’Information des Peuples Autochtones (DOCIP) et le Musée d’ethnographie de Genève (MEG). Nous avons également eu l’honneur de nous entretenir avec Deskaheh Steve Jacobs (Clan de l’ours de la Nation Cayuga), Kenneth Deer (Clan de l’ours de la Nation Mohawk de Kahnawake), Louise Herne, mère de Clan (Clan de l’ours de la Nation Mohawk) et Michelle Schenandoah (Clan des loups de la Nation Oneida).
Il y a 100 ans, la venue du chef Cayuga Deskaheh à Genève pour représenter la Confédération auprès de la SDN
La venue de Deskaheh Levi General (1873-1925) à Genève pour soutenir la demande d’adhésion de la Confédération à la SDN est motivée par un ensemble d’atteintes portées par le Canada à la souveraineté de la Confédération Haudenosaunee. Ces graves préjudices ont été exposés par la Directrice du Centre culturel de Woodland, Heather George (Nation Mohawk de Akwesasne), dans le cadre de l’évènement parallèle organisé à l’ONU le 18 juillet 2023 sur le périple de Deskaheh.
Les violations des droits des Haudenosaunee à l’origine du voyage de Dekaheh Levi General à Genève
Elle distingue notamment pour la période précédant la venue de Deskaheh Levi General à Genève trois grands groupes de violations de leurs droits, tant par le Canada que par les Etats-Unis : les violations de leurs droits aux terres avec notamment l’adoption de l’Immigration act de 1921 par le Canada en violation de traités et notamment du Jay Treaty de 1794, les problèmes de terres des Cayuga, Oneida et Seneca aux Etats- Unis, les atteintes portées au Six Nations Trust fund par le Canada etc. ; l’adoption du Solder settlement act par le Canada en 1918 qui prévoit l’enregistrement de tous les hommes en vue de leur conscription ; enfin d’autres atteintes directes à leur gouvernance avec l’Indian Advancement Act, l’Indian act (qui créée les conseils de bandes élus) au Canada ainsi que l’adoption de la trilogie Marshall aux États-Unis. C’est dans ce contexte qu’après s’être vainement adressé à plusieurs reprises au gouvernement canadien à Ottawa ainsi qu’à Winston Churchill, sous les conseils de l’avocat George P. Decker, que Deskaheh Levi General a décidé de porter le différend sur le statut de Grand River à l’échelle internationale.
« The Red Man’s appeal for Justice » et l’opposition de la Société des Nations à la requête de Deskaheh
Après avoir souligné que la Confédération Haudenosaunee était la plus ancienne société de Nations, Deskaheh a fait part de son souhait de faire admettre la Confédération en tant que membre de la SDN. Dans une lettre datée du 6 août 1923, connue comme « la requête des Iroquois pour obtenir justice » (« the Red Man’s appeal for Justice »), Deskaheh s’est adressé au Secrétaire Général de la SDN, James Erik Drummond. Bien que 7 août 2023, la pétition de Deskaheh et la réponse du gouvernement d’Ottawa sont diffusées officieusement parmi le Conseil de la SDN, aucun membre de la SDN ne demande que ces documents ne soient inclus à l’ordre du jour. C’est alors que Deskaheh a décidé de se rendre lui-même à Genève avec son avocat Decker. Il a emmené avec lui trois objets symboliques: « un wampun symbolisant la chaîne d’alliance qui liait fraternellement les Haudenosaunee et les Anglais, un second Wampun à deux lignes représentant les deux lignes de la coexistence et de la non-ingérence et une pipe en argent donnée aux Mohawks par des marchands hollandais en 1679 ». (Extrait d’un panneau de l’exposition « Deskaheh à Genève 1923-2023 : Défendre la souveraineté des Haudenosaunee », 3 juillet 2023-16 août 2023, Genève.) A cette occasion, il a voyagé avec son passeport Haudenosaunee.
Devant la SDN, il a souhaité se prévaloir de l’article 17 du Pacte de la SDN qui permet sous certaines conditions à un Etat non membre de soumettre un différend au Conseil de la SDN afin qu’une enquête soit menée sur le différend en question. A cette fin, il a initialement obtenu le soutien de la Perse à laquelle se sont jointes l’Irlande, le Panama, les Pays-Bas et l’Estonie pour que sa pétition soit inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée en mars 1924 et qu’elle y soit ainsi débattue. Cependant, après avoir été accusées d’ingérence dans les affaires de l’empire britannique, ces délégations ont fini par se rétracter.
N’ayant pu s’adresser à l’Assemblée générale de l’organisation, Deskaheh a trouvé à Genève, le soutien de Jean-Baptiste Pons, maire de la ville de Genève qui lui permet notamment de prononcer devant la population genevoise le discours qu’il avait prévu de formuler devant la SDN.
La répression Canadienne et le dernier discours de Deskaheh en 1925
En Octobre 1924, alors que Deskaheh était encore à Genève, la gendarmerie royale du Canada a dissout le Grand Conseil traditionnel à Grand River, a volé des documents et des wampun tout en imposant l’Indian Act Band Council sous l’autorité du gouvernement canadien. (I. Schulte-Tenckhoff, communication orale, webinaire du 28 mars 2023, le droit à l’autodétermination des Peuples Autochtones, 100 ans après Deskaheh : droit à l’autodétermination et relations entre Nations)
Déçu et malade, Deskaheh a fini par quitter Genève au début de l’année 1925 sans jamais retourner au Canada par crainte d’y être persécuté par les autorités. Il a vécu auprès de la Nation Tuscarora aux Etats-Unis, prononçant le 9 mars 1925 son dernier discours sur les ondes de la Radio Rochester avant de décéder le 27 juin 1925.
Les atteintes aux droits de la Confédération se sont poursuivies sans que les Haudenosaunee ne puissent même bénéficier de l’assistance d’avocats dès lors que de 1927 à 1951, en application de la section 141 de l’Indian Act, il était illégal pour les Peuples Autochtones d’engager des avocats comme l’a souligné Heather George dans le cadre de l’évènement parallèle précité.
Le statut de la Confédération Haudenosaunee sera à nouveau plaidé à la SDN en 1929-1930 sans plus de succès.
La lutte des Haudenosaunee à Genève et à l’ONU
Depuis cette date, les Haudenosaunee ne cessent de réclamer un droit de participation à l’ONU, à la prise de décision en tant que gouvernement autochtone. La relation privilégiée entre la Confédération Haudenosaunee et la mairie de Genève s’est en outre maintenue. En 1977, « lorsque la délégation Haudenosaunee se rendit à la Conférence de 1977 et qu’elle fut arrêtée à la frontière, parce que ses membres possédaient des passeports Haudenosaunee en lieu et place des documents canadiens et états-uniens, les délégués firent appel au maire de la ville de Genève, Claude Ketterer. Après avoir reçu un coup de téléphone, ce dernier informa les douaniers que les Haudenosaunee devaient être considérés comme ses invités personnels. Depuis lors, le passeport Haudenosaunee est valable pour entrer en Suisse s’il est accompagné d’un visa. » (Extrait d’un panneau de l’exposition « Deskaheh à Genève 1923-2023 : Défendre la souveraineté des Haudenosaunee », 3 juillet 2023-16 août 2023, Genève) Des délégations iroquoises ont également été reçues par les Maires de Genève en 1997, 2013 et 2019.
100 ans plus tard, la venue de Deskaheh Steve Jacobs et d’une délégation Haudenosaunee pour rendre hommage à la lutte menée par Deskaheh Levi General
Depuis février 2023, de nombreux évènements sont venus marquer le centenaire de la venue de Deskaheh auprès de la SDN : la restitution d’objets sacrés, la plantation d’un arbre de la paix, une réception au Palais Eynard, un évènement parallèle sur le parcours de Deskaheh Levi General, la marche des Peuples Autochtones et l’inauguration de l’exposition de photos et de documents d’archives « Deskaheh à Genève 1923-2023 : Défendre la souveraineté des Haudenosaunee ».
La restitution de deux objets sacrés à la Confédération Haudenosaunee par le Musée d’ethnographie de Genève
Le 7 février 2023, le Musée d’ethnographie de Genève a restitué à la Confédération Haudenosaunee deux objets sacrés pillés il y a deux cents ans : un masque ainsi qu’un hochet donnés en 1825 au Musée académique (ancêtre du Musée archéologique et du Musée d’ethnographie de Genève) par l’historien et homme politique Amédée-Pierre-Jules Pictet de Sergy (1795-1888). Cette restitution fait suite à la demande de la Confédération Haudenosaunee qui se « se déclare propriétaire traditionnelle de ces objets qu’elle considère comme sacrés et que leur valeur culturelle les rend impropres à l’exposition au sens de l’art.25 du code de déontologie de l’ICOM et des art. 11, 12 et 31 de la Déclaration des Nation Unies sur les droits des Peuples Autochtones ». (Extrait issu d’un article du MEG sur le contexte et la cérémonie de restitution de ces deux objets Haudenosaunee).
La plantation d’un arbre de la Paix à Genève
La commémoration du centenaire de la venue de Deskaheh s’est également traduite par la plantation, le 9 février 2023, d’un arbre de la Paix offert par la Confédération Haudenosaunee au Parc des Bastions, près du Palais Eynard à Genève, en présence d’une délégation Haudenosaunee et du maire de Genève, en symbole des liens de paix et d’amitié qui les unissent. Conformément à la tradition Haudenosaunee, deux armes, une flèche et une massue de guerre, ont été enterrées sous ses racines. Une description de cet évènement et un diaporama de la cérémonie sont publiés sur le site de la ville de Genève. La plantation d’un pin blanc, pinus strobus, un symbole de Paix pour la Confédération Haudenosaunee est une tradition qui remonte à la création de la Confédération et de la Grande Loi de la Paix, comme nous l’a expliqué Kenneth Deer (Nation Mohawk de Kahnawake) : « Notre constitution est représentée par un arbre. Quand le Peacemaker a enterré nos armes de guerre, il a planté au-dessus un arbre. Il s’agissait d’un pin blanc. C’est le symbole de la Confédération et des chemins de paix. »
Une réception exceptionnelle organisée au Palais Eynard
Le 17 juillet 2023, l’alliance et l’amitié qui unit la Confédération Haudenosaunee avec la Mairie de Genève a de nouveau été mise à l’honneur avec d’émouvants discours prononcés par des membres de la Délégation Haudenosaunee spécialement venue à Genève et le maire de la ville, M. Alfonso Gomez, sous l’assistance des représentants des Peuples Autochtones présents à Genève dans le cadre du Mécanisme des experts sur les droits des Peuples Autochtones.
L’occasion pour Deskaheh Steve Jacobs de rappeler que les Haudenosaunee n’ont jamais cessé d’être souverains et de confirmer la relation de confiance, d’amitié et de Paix qui unissent la ville de Genève avec la Confédération Haudenosaunee, symbolisée par un wampun belt de l’amitié (Tehontatenentsonterontahkhwa) remis à cette occasion par Deskaheh Steve Jacobs au maire de Genève.
La mère de clan, Louise Herne du clan de l’ours de la Nation Mohawk s’est exprimée au nom des femmes Haudenosaunee tout en soulignant qu’il s’agit d’un évènement historique dès lors que les femmes Haudenosaunee ne s’expriment habituellement pas en public. Elle a rappelé le rôle fondateur de de la messagère de la Paix, Jikonhsaseh, l’importance de la loi naturelle et l’autorité des femmes Haudenosaunee dans la gouvernance de leurs Nations et de la Confédération malgré leur oppression continue par les gouvernements canadiens et états-unien : « nous sommes plus anciennes que le Canada et les Etats-Unis mais leurs gouvernements continuent de nous opprimer ! ». Elle évoque ainsi les ravages de la doctrine de la découverte, les génocides soufferts par leurs Nations, la violation de leurs traités, les usurpations de leurs terres, les disparitions des femmes et des enfants emmenés de force dans les pensionnats… Son puissant discours, qui souligne la nécessité de redonner du pouvoir aux femmes et revenir à une rematriation, a été suivi de la présentation de la Haudenosaunee Women’s Nomination Wampum Belt (Ka’shastensera Kontiha:wa’ne Iotiianeh:shon: Clan Matron’s), ceinture en vertu de laquelle les femmes Haudenosaunee ont la faculté de nommer les 50 chefs de la Confédération, puis d’un chant des femmes Haudenosaunee (sur les questions soulevées au sein de ce discours, voir notre entretien du 18/07/23 avec Louise Herne et Michelle Schenandoah).
La réception au Palais Eynard s’est poursuivie en fin de journée autours de l’arbre de la Paix, planté en février 2023 : palabres des membres de la délégation et des participants, remerciements, partages d’expériences et de savoirs et chants des femmes de la Confédération Haudenosaunee ont accompagné en cercle cette union entre les peuples. La poétesse et activiste Amazigh, Amina Amharech y a été inspiré de son poème en hommage à tous les Deskaheh qu’elle a interprété sur place avant de le remettre quelques jours plus tard, traduit en anglais au Deskaheh Steve Jacobs. Nous la remercions de nous avoir permis de publier ici son poème en français :
Hommage à Deskaheh
Honneur à celui qui a tracé le chemin
Honneur à celui qui a éclairé la voie
Honneur à celui qui a entretenu la flamme
Honneur à celui qui a offert l’espoir
Aujourd’hui nous marchons à pas assurés
Notre vision est claire
Notre parole est audible
Et notre horizon est large
Grâce au legs de notre frère prédécesseur qui veille sur nous et nous insuffle sa force et son courage et nous lui seront reconnaissants et nous l’honorerons
Avec humilité en faisant de notre mieux
Force et courage à celui qui lui succède
Et reprend son flambeau
Son fardeau et sa croix.
Amina, Genève, le 17 /07/2023
Un évènement parallèle de la 16ème session du Mécanisme des Experts sur les droits des Peuples Autochtones sur Deskaheh
Le 18 juillet 2023, l’Indigenous World Association a organisé un évènement parallèle matinal sur la lutte de Deskaheh auprès de la SDN. L’occasion pour Heather George, directrice Haudenosaunee du Centre culturel de Woodland, de revenir sur les différentes atteintes portées aux droits de la Confédération qui ont motivé Deskaheh Levi General à s’adresser à la SDN ; sur le rôle politique et diplomatique mené par les femmes Haudenosaunee pendant la première guerre mondiale au sujet des soldats Haudenosaunee enrôlés, sur les démarches menées par Deskaheh pour faire respecter la souveraineté Haudenosaunee ainsi que sur son voyage à Genève et son retour aux Etats-Unis peu avant son décès. Sa brillante et très complète présentation a été suivie d’une intervention de Deskaheh Steve Jacobs sur le titre de Deskaheh puis de Kenneth Deer au sujet des fonctions diplomatiques menées auprès des différents gouvernements par la Commission des relations extérieures de la Confédération Haudenoausaunee, à laquelle il appartient.
Ces présentations ont été suivies de riches échanges au sein de l’assistance et notamment de nombreux membres de la délégation Haudenosaunee présents. Karissa John (Nation Mohawk du Territoire de Grand River), arrière-petite-fille de Deskaheh Alexandre General, frère de Deskaheh Levi General dénonçait la frontière entre le Canada et les Etats-Unis qui divise leur Nation, détruit les familles tout en étant source d’humiliation à chaque traversée, parfois quotidienne, de la frontière. Dans une précédente allocution de 2019 à l’ONU, elle avait souligné que peu avant sa mort, Deskaheh Levi General qui n’avait jamais lui-même pu retourner auprès des siens, avait demandé à son ami le Chef Clinton Rickard de ne jamais cesser de lutter pour les droits des Haudenosaunee de traverser les frontières coloniales et de « combattre la ligne ». La mère de clan Louise Herne a indiqué que le monde avait besoin de mesures pacifiques et que le temps était venu de créer une école mondiale de la paix basée sur les principes Haudenosaunee. Pour elle, il n’est pas possible de réconcilier ce qui n’a jamais été concilié. Elle estime ainsi qu’une véritable conciliation doit être mise en place avec la connaissance et la compréhension de l’autre.
La marche des Peuples Autochtones et l’inauguration de l’exposition de photos et de documents d’archives « Deskaheh à Genève 1923-2023 : Défendre la souveraineté des Haudenosaunee »
Le 18 juillet 2023, à l’issue de la session du jour du Mécanisme d’experts sur les droits des Peuples Autochtones de l’ONU, les femmes de la délégation de la Confédération Haudenosaunee ont convié les habitants de Genève, les représentants des Peuples Autochtones présents ainsi que les participants au Mécanisme d’experts sur les droits des Peuples Autochtones, à participer à une marche des Peuples Autochtones au départ de l’ONU jusqu’au quai Wilson où se tenait l’exposition. Des représentants des Peuples Autochtones venant du monde entier ont participé massivement à la marche menée par le maire de la ville de Genève et la délégation Haudenosaunee, traversant le jardin botanique avant d’arriver au bord du lac, au quai Wilson.
A l’issue de la marche, le Maire de la ville de Genève a procédé à l’inauguration de l’exposition « Deskaheh à Genève 1923-2023 : Défendre la souveraineté des Haudenosaunee », installée sur le quai Wilson du 3 juillet 2023 au 16 août 2023. Cette exposition de photographies et de documents d’archives suisses, américains et canadiens, dirigée par la curatrice Haundenosaunee Dre Jolene Richard (Nation Tuscarora) avec le soutien du DOCIP et de la Mairie de Genève, était composée d’une allée de plusieurs dizaines de panneaux de photos et de documents d’archives commentés, organisée autour de quatre axes en quatre volets : « Principes haudenosaunee- Hodinǫhsó:nih Odrihwogwáisǫh », « Justice bafouée – Hodinǫhsó:nih Odrihwogwáisǫh », « 100 ans d’amitié avec des alliés internationaux- Heyǫhwęjogwé:gǫh Degoihwokáhǫʔ » et « Promouvoir le droit international autochtone – Ǫgwehǫ́weh Gayę́nsroʔ Ohę́:do ». Ces panneaux illustrent le parcours de Deskaheh, l’histoire et la culture des Haudenosaunee, le soutien apporté par la ville de Genève à la Confédération et aux Peuples Autochtones ainsi que les avancées du mouvement international pour les droits des Peuples Autochtones.
Un site internet relatif à l’exposition créé par la Confédération Haudenosaunee explique l’objectif de l’exposition tout en indiquant les membres de la Confédération qui y ont contribué.
A l’occasion de l’inauguration de l’exposition du Quai Wilson, le Maire de Genève, M. Alfonso Gomez, est revenu sur le parcours de Deskaheh cent ans auparavant. Décrivant Deskaheh comme un précurseur des droits des Peuples Autochtones, il a rappelé l’accueil qui lui fut fait par la ville de Genève et ses citoyens et citoyennes soulignant « que cette relation démontre l’importance du multilatéralisme et des sociétés civiles ». Il s’est également exprimé pour la défense de la mémoire historique et des droits humains : « les victimes que l’histoire a bafouées ont toujours besoin de la reconnaissance historique. Sans reconnaitre les injustices subies, il ne peut y avoir la cohabitation, le vivre ensemble que nous souhaitons toutes et tous. En cela, le voyage il y a 100 ans de Deskaheh Levi General est hautement exemplaire, tout comme le rôle de la ville de Genève il y a 100 ans. Nous voulons poursuivre cette œuvre pionnière de reconnaissance des mémoires historiques des peuples bafoués à travers le monde et de l’histoire. C’est le rôle de notre ville et celui des droits humains que nous continuerons de promouvoir. Merci pour votre visite ! »
Heather George, directrice Haudenosaunee du Centre culturel de Woodland, qui défend les territoires Haudenosaune à Turtle Island, le lieu de naissance de Deskaheh (Canada), a prononcé un passionnant discours dont nous retranscrivons quelques extraits:
« Aujourd’hui nous continuons de lutter pour que les Nations autochtones puissent s’exprimer en tant que membres des Nation Unies et pas seulement comme des observateurs. Il est de notre responsabilité envers les futures générations de nos Nations de rappeler aux gouvernements et aux citoyens des autres gouvernements que nous n’avons jamais renoncé et ne renoncerons jamais par force ou par traité à nos droits de nous autogouverner selon nos lois, nos coutumes et nos traditions. Alors que cette exposition est une célébration de toutes les formes de souveraineté, nous rappelons notre droit à raconter nos histoires, partager nos histoires avec le monde entier. La souveraineté n’est pas seulement un acte politique ou un idéal politique, c’est un état d’esprit ; chaque membre de notre Nation a droit à cette souveraineté. Lorsque nous plantons nos arbres, que nous cultivons, que nous donnons naissance à nos enfants, nous sommes souverains ; quand nous nourrissons nos bébés d’une manière traditionnelle, nous sommes souverains ; quand nous parlons notre langue, nous sommes souverains ; quand nous pratiquons notre culture, notre patrimoine, nous sommes souverains ».
(…) « Deskaheh n’a jamais pu retourner dans son territoire de Grand River auprès de sa famille. Il a dû retourner aux dits Etats-Unis par peur de représailles du gouvernement canadien, malgré sa santé affaiblie. Il est resté dans la communauté Tuscarora du côté des Niagara falls dans l’Etat de New York. (…)
(…) Deskaheh a fait son dernier discours en public le 10 mars 1925 à la radio Rochester. Il a parlé des injustices, auxquelles faisaient face les Haudenosaunee dans leurs terres de naissance et a demandé le soutien des citoyens américains et canadiens. Il a fait un appel au gouvernement pour la reconnaissance de leurs droits et de leur souveraineté sur leurs terres. Il a dit : Je vous pose une question, peut-être deux questions, ne vous dépêchez pas de répondre. Pensez-vous, pensez-vous vraiment que toutes les personnes ont droit à une protection égale par le droit international maintenant que vous avez tant de force. Pensez-vous, pensez –vous vraiment que les promesses et les engagements des traités doivent être tenus ; pensez à ces questions, réfléchissez-y bien avant d’y répondre, pour vous-même ». (…)
(…) « Deskaheh nous a rappelé que la souveraineté autochtone a toujours existé pour les Peuples Autochtones et que cette souveraineté devait être défendue en cas d’occupation de nos territoires. Nous avons besoin des citoyens, de leurs Nations, de leur protection et de leur soutien. Nous croyons que la vraie gouvernance et le vrai leadership provient de la voix du peuple. Deskaheh savait cela. Notre Confédération Haudenosaunee a été fondée sur cela et nous ne renoncerons jamais à nos droits et à nos responsabilités, à notre souveraineté et à notre Nation. »
Aujourd’hui comme hier, les Haudenosaunee continuent de lutter pour le respect de leur souveraineté et de l’unité de leur territoire, au-delà des frontières étatiques établies en violation des traités historiques.
Pour plus de précisions sur la formation de la Confédération, ses principes fondamentaux et la lutte des Peuples Autochtones pour le respect de leur droit à l’autodétermination, voir cette présentation de Kenneth Deer.
* Je remercie vivement Deskaheh Steve Jacobs pour la relecture de cet article et Heather George pour ses conseils.