Dialogues intergénérationnels avec des représentants de peuples autochtones

Le 23 septembre 2022, Leslie Cloud et Laurie Fartaria de la Chaire Normandie pour la paix ont eu le plaisir de dialoguer avec Dijon Koemapu et Léon Ribas, tous deux membres de la fondation Mulokot qui œuvre en terre wayana au Suriname.

Cette riche rencontre qui a bénéficié d’une traduction wayana-français réalisée par Marciano … a permis d’en savoir plus sur le contexte de la création de la Fondation Mulokot, les projets de cette fondation, la lutte des wayana pour la reconnaissance de leur droit à l’autodétermination et au développement tel qu’ils le conçoivent, à vivre ensemble, sur leurs terres, dans le respect de leurs activités traditionnelles et de leur mode d’éducation. Dijon nous a fait part de la vigueur de leurs institutions traditionnelles, notamment de celles du grand Man et du shaman, de leurs rôles au sein des communautés et des grandes lois qui gouvernent leur relation au territoire dans le respect de la force de la « nature » et des interdits. Il nous a également fait part de ses préoccupations liées à l’absence de délimitations de leurs terres, la pollution de l’eau, l’absence de prise en compte de leur droit de participation et au CPLE par l’Etat dans la prise de décision qui les concernent, notamment au sujet du projet de création d’aires protégées sur leur territoire. Léon, qui a enseigné pendant plusieurs années en Guyane française et au Suriname où il a coordonné, est revenu sur le difficile accès des wayana à l’école au Suriname, leur scolarité dans les écoles primaires françaises, les projets d’écoles wayana mis en place par la Fondation et nous a partagé ses réflexions sur un modèle d’éducation adapté aux jeunes wayana leur permettant de déterminer leur futur.

Pour compléter les informations partagées au cours de cette rencontre et suivre les activités de la fondation, vous pouvez consulter les liens suivants : 

Site web de la Fondation Mulokot

Blog de la fondation Mulokot qui présente les avancées des différents projets mis en œuvre pour la démarcation des terres, pour l’accès à l’eau potable, des projets agricoles, les projets d’écoles wayana etc.

Page facebook de la Fondation Mulokot : Mulokot Kawemhakan

Pour plus d’informations sur les droits des peuples autochtones au Suriname, vous pouvez consulter les chapitres annuels sur le Suriname de la publication d’IWGIA, mondes autochtones, traduits en français sur le site GITPA. Viennent également d’être publiées les récentes conclusions relatives aux peuples autochtones du Comité des nations unies sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale dans le cadre de son examen du respect de la Convention par le Suriname

Vous trouverez enfin ci-dessous, un bref retour sur les droits des peuples autochtones au Suriname, qui avait présenté en introduction de cette rencontre :

Selon le dernier recensement de 2012 les peuples autochtones du Suriname représentent environ 20344 habitants soit 3,8 % de la population totale. Les quatre peuples autochtones les plus nombreux sont les Kali’ña (Caribs), Lokono (Arawaks), Trio (Tirio, Tareno) et les Wayana. Ces derniers, également présents au Brésil et en Guyane française seraient au nombre d’environ 800 habitants au Suriname. Les Kali’ña et les Lokono vivent principalement au nord du pays tandis que les Trios et Wayanas vivent dans le sud du Suriname. Le droit du Suriname ne reconnait pas l’existence et les droits des peuples autochtones et n’a pas ratifié la convention 169 de l’OIT sur les droits des peuples autochtones et tribaux de 1989. Cette convention, contraignante qui reconnait un ensemble de droits aux peuples autochtones a été ratifiée à ce jour par une majorité d’Etats d’Amérique centrale et du sud. Dans ce contexte les droits collectifs des peuples autochtones aux terres, territoires et ressources naturelles sont menacés en permanence notamment du fait de l’exploitation minière de Bauxite, d’or,

de l’exploitation forestière, des pollutions des cours d’eau mais aussi de la mise en place d’aires de conservation au mépris de leurs droits. 

A cet égard, malgré plusieurs condamnations de l’Etat du Suriname par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, pour violation du droit de propriété des peuples autochtones mais aussi du droit à la consultation et au consentement libre, préalable et éclairé (CPLE), les arrêts de la Cour ne sont toujours pas mis en œuvre et les violations perdurent. En l’absence de reconnaissance de droits aux peuples autochtones du Surinam et en particulier du droit au CPLE, de nombreuses mesures sont prises par le gouvernement en violation du droit à la participation des peuples autochtones. Ces derniers sont ainsi préoccupés de l’adoption d‘un accord de compensation de 50 millions de dollars américains entre le gouvernement et l’entreprise Total, en violation de leur droit au CPLE.

Afin de pallier l’absence de reconnaissance du droit au CPLE constamment violé, le peuple wayana a mis en place son propre protocole de CPLE. 

  1. Des avancées dans la reconnaissance législative des droits des peuples autochtones ont été observées en 2021 notamment avec la discussion d’une loi sur les droits collectifs des peuples autochtones et tribaux du Surinam tandis qu’un projet controversé de conversion de terres louées en titres de propriété inquiètent les peuples autochtones qui craignent que des titres soient adoptés en faveur de tiers dans leurs territoires. 
  2. Au 4 octobre 202, la Convention a été ratifiée par vingt-quatre Etats, l’Allemagne, l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Danemark, la Dominique, l’Equateur, l’Espagne, Fidji, le Guatemala, le Honduras, le Luxembourg, le Mexique, le Népal, le Nicaragua, le Norvège, le Paraguay, les Pays-Bas, le Pérou, la République Centrafricaine et le Venezuela. 
  3. Trois affaires ont été portées devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme par des peuples autochtones du Surinam contre l’Etat du Suriname : rapport n° 9/13, Pétition 1621-09, Comunidad indígena Kaliña de Maho ; rapport n° 76/07, Pétition 198-07, Los Pueblos Kaliňa y Lokono ; rapport n° 26/00, Caso 11.821, Aldea de Moiwana. Quatre décisions importantes ont également été rendues par la Cour interaméricaine des droits de l’Homme sur les droits des peuples autochtones du Suriname : Caso Pueblos Kaliña y Lokono Vs. Surinam. Fondo, Reparaciones y Costas. Décision du 25 novembre 2015; Caso del Pueblo Saramaka Vs. Surinam. Interpretación de la Sentencia de Excepciones Preliminares, Fondo, Reparaciones y Costas. Décision du 12 août 2008. Serie C No. 185; Caso del Pueblo Saramaka Vs. Surinam, décision du 28 novembre 2007, (Excepciones Preliminares, Fondo, Reparaciones y Costas), série C, n° 172; Caso de la Comunidad Moiwana Vs. Surinam. Interpretación de la Sentencia de Fondo, Reparaciones y Costas. Decisión du 8 février 2006. Serie C No. 145. Pour une analyse de la jurisprudence de la Commission et de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme sur les droits des peuples autochtones, voir Comision Interamricana de derechos humanos, derechos de los pueblos indigenas y tribales sobre sus tierras ancestrales y recursos naturales. Normas y jurisprudencia del sistema interamericaino de derechos humanos ; OEA/Ser.L/V/II. Doc 56/09, 30 décembre 2009.   Consulté le 4 octobre 2022 sur https://www.oas.org/es/cidh/indigenas/docs/pdf/Tierras-Ancestrales.ESP.pdf ; Karine Rinaldi, les droits des sociétés traditionnelles dans la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Le modèle interaméricain de l’interprétation interculturelle des droits, thèse de doctorat en droit public, Université de Nice Sophia-Antipolis, 2012 ; Karine Rinaldi, « Casos Pueblo Saramaka y Pueblo Indígena Kichwa de Sarayaku: ¿un paso atrás en cuanto al fundamento de los derechos de las sociedades tradicionales? », Revue de l’Instituto Brasileiro de Direitos Humanos, vol. 12, n° 12, 2013, pp. 243-256; Karine Rinaldi, « El principio de no regresión ambiental y los derechos de los pueblos indígenas y tribales. Enseñanzas de la jurisprudencia interamericana », in Mario Peña Chacon (Dir.), El principio de no regresión ambiental en el derecho comparado latinoamericano, San José, PNUD, 2013, pp. 357-384; Karine Rinaldi, « Le droit des populations autochtones et tribales à la propriété dans le système interaméricain de protection des droits de l’homme », in Ludovic Hennebel et Hélène Tigroudja (Dir.), Le particularisme interaméricain des droits de l’homme, Paris : Editions Pedone, 2009, pp. 215-250 ; Karine Rinaldi, Contribution conjointe avec Francisco Rivera, « Pueblo Saramaka vs. Surinam : el derecho a la supervivencia de los pueblos indígenas y tribales, como pueblos », Debates sobre derechos humanos y el sistema interamericano, CEJIL, 2008, pp. 80-96.
  4. Sur ce point, voir IWGIA, El mundo indigena, chapitre Suriname, 2022. En ligne, consulté le 4 octobre 2022 sur https://www.iwgia.org/es/surinam/4798-mi-2022-surinam.html
  5. Sur la violation de leur droit au CPLE et la contamination de leurs cours d’eau par le mercure, voir une communication de la fondation Mulokot de 2022, consultée le 4 octobre 2022 :  https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/issues/toxicwaste/toxics-indigenous-peoples/inputsreceived/2022-07-13/mulokot-foundation%20%283%29.pdf
  6. Sur les protocoles autochtones de CPLE, voir par exemple Cathal Doyle et autres, Free Prior Informed Consent Protocols as Instruments of Autonomy. Laying Foundations for Rights Based Engagement, Infoe, ENIP, Köln, 2019, consulté le 4 octobre 2022 sur https://enip.eu/FPIC/FPIC.pdf

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