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Vers la reconnaissance des droits à la nature

Projet de thèse: « De la Nature-objet du droit à la Nature-sujet de droits : Dynamiques de transformations des notions de patrimoine et de propriété au profit d’une subjectité de la Nature »

Originaire de l’Université de Clermont Auvergne, c’est lors d’un échange universitaire à l’Université de Glasgow (Ecosse) que Laurie a découvert le droit de l’environnement et s’est particulièrement passionnée des mouvements et questionnements des droits de la Nature. 

Sa première année de Master (2019-2020) – Droit de l’environnement à l’Université de Montpellier a été l’occasion de rédiger un mémoire ayant pour sujet « Le statut juridique de la Nature dans le monde et la justiciabilité de ses droits », sous la direction de Jordane Arlettaz (CERCOP). L’étude consistait ainsi à recenser et analyser toutes les manifestations des droits de la Nature à travers le globe et d’observer l’effectivité de ces nouveaux statuts (et actions associées). Cela a également été l’opportunité de se pencher sur les conceptions et revendications des peuples autochtones dans ces Etats-ci.

Pour sa dernière année d’études, Laurie a intégré le Master 2 Droit de l’environnement, des territoires et des risques à l’Université de Strasbourg. 

Tout au long de l’année, elle a pu travailler la question des communs environnementaux avec Madame Marie-Pierre Camproux-Duffrène (SAGE), qui a par la suite dirigée son mémoire de fin d’études. Ce dernier porte sur l’étude comparée du public trust américain et de la fiducie française sous l’angle de la mise en œuvre des communs environnementaux [ressources naturelles]. Il a donc été question d’approfondir le concept de communs environnementaux au travers des possibilités de leurs mises en pratique. Les notions de patrimoine et de propriété ont également été travaillées grâce aux implications théoriques et pratiques du public trust et de la fiducie (dédoublement, faisceaux de droits, nature…). 

Aujourd’hui et depuis octobre 2021, Laurie s’est installée en Normandie où elle prépare sa thèse sous la co-direction d’Emilie Gaillard et de Stéphane Pessina. Elle bénéficie d’un contrat doctoral financé par le CNRS (bourse MITI) pour une durée de 3 ans. Laurie est ainsi rattachée à l’Université de Rouen, la MRSH de Caen et la Chaire Normandie pour la Paix

L’intitulé est le suivant « De la Nature-objet du droit à la Nature-sujet de droits : Dynamiques de transformations des notions de patrimoine et de propriété au profit d’une subjectité de la Nature ».

Une précision préliminaire est à apporter quant aux termes du sujet. En effet, l’emploi du terme « subjectité » est un choix conscient (différent de la « subjectivité », avoir un point-de-vue/une conscience). La subjectité (shutaisei 主体性 chez Watsuji Tetsurô et Maschinisten chez Jakob von Uexküll) renvoie à un concept repris et développé en mésologie (science des milieux) par Augustin Berque. Il désigne le fait d’être un sujet et d’exister activement en tant que tel dans le monde existant (à distinguer du « sujet de droit »). Ce travail de recherches souhaite ainsi à transposer cette conception de la Nature dans le monde juridique. 

Le projet tourne ainsi autour de la compréhension de la place que la Nature devrait occupée dans nos systèmes juridiques (et nos sociétés de manière générale). Il est également question de s’interroger sur les aptitudes du droit à trouver des solutions à la crise écologique actuelle. Ces études tenteront de se faire les plus ouvertes possibles, essayant de dépasser la dichotomie juridique classique (droit privé / droit public) et de s’intéresser de manière comparative aux différents systèmes de droit (nationaux, européen, international…) (bien qu’un focus particulier sera fait sur le droit français). L’idée est ainsi de tendre vers un métissage juridique.

Un premier temps sera alors consacré aux réflexions théoriques. Seront ainsi étudiés les différents paradigmes (POMC (paradigme occidental moderne classique), paradigme du tiers inclus…), les différentes approches (anthropocentrée, biocentrée, écocentrée), les travaux de P. Descola et de F. Ost mais également d’autres sciences humaines telles que la philosophie, la sociologie ou encore la mésologie. De nombreuses notions seront mobilisées à travers ces perspectives comme celles de temporalité, de solidarité, de dynamisme juridique, de complexité, d’interdépendance, de réciprocité juridique et bien d’autres. 

Les notions de patrimoine et de propriété sont cardinales dans nos systèmes juridiques occidentaux. Cependant, il n’en existe point de définition unique. En effet, ces notions ne revêtent pas les mêmes significations et implications selon les parties du globe ni selon les époques. De cette façon, un intérêt particulier sera donné à prendre en compte les différentes conceptions et formes de ces deux notions (domaine divisé de l’Ancien Régime, propriété collective, biens communs…). Le droit de propriété et le patrimoine seront donc interrogés en tant que droit fondamental mais aussi sous l’angle des différentes théories qu’ils fondent, comme le principe d’unicité du patrimoine (Aubry et Rau) ou le dédoublement de titre de propriété (equity et common law).

L’opposition sujet de droit et objet de droit sera également analysée ainsi que les diverses propositions de la doctrine d’entre-deux comme les notions de « centres d’intérêt » (Farjat), de « sujet de droit imparfait », de « personnalité modeste » (Piatti), de « corps sensibles » (Pasquet), de « néo-commun » (Le Roy), de « semi-commun » (Smith) ou de « demie-personnalité juridique » (Demogue). Ainsi, l’idée est d’interroger le droit à la lumière de tous ces apports et réflexions et d’envisager à travers cela la subjectité de la Nature et les notions de propriété et de patrimoine. 

L’objectif est ainsi de construire/modéliser un prisme, une clé de lecture, un raisonnement servant à examiner avec un autre regard des instruments juridiques, actuels ou anciens. Evidemment, les instruments étudiés seront choisis selon leurs rapports à la protection et à l’appropriation de la Nature. Par exemple, seront repris le trust anglosaxon, son pendant français la fiducie ou aussi le droit des servitudes. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.

Par la suite, un état des lieux sera mené pour comprendre ce qui pourrait fonctionner ou non et comment. L’idée (peut-être présomptueuse) est alors de proposer plusieurs modèles pouvant aider à résoudre la situation environnementale planétaire, avec un point d’honneur sur la prise en compte de la subjectité de la Nature.

Groupe de travail

Emilie Gaillard
Directrice scientifique et coordinatrice générale de la Chaire

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